nous sommes ce que nous mangeons...
La petite maison dans la prairie...Vivre dans un endroit bon et sain, où vous produiriez votre nourriture, en respectant le sol et l'eau. Où vous élèveriez des poules, des dindes en les nourrissant et les tuant dignement, où elles auraient vécu leur vie sans stress et sans reproche. Vivre une vie simple, de "décroissance" comme on aime à le dire aujourd'hui, sans chercher à gagner plus pour consommer plus; Car la consommation est vaine et ne vous rend pas heureux. Se réjouir d'un lever de soleil, d'une pluie riche et bienfaisante pour le jardin, de la naissance des poussins et du vent dans les saules...
Qui n'en a jamais rêvé ? Mais qui l'a fait ? Pas moi, je peux l'avouer. Non, je travaille à temps complet, dans un bureau, comme beaucoup d'entre nous. Un travail comme un autre, ni passionnant, ni usant mais peu satisfaisant en créativité ou liberté. Mais il faut payer son toit, sa voiture, les études et envies des enfants. Et oui, c'est ainsi, un choix de vie dans lequel on se sent parfois englué et dont on rêve de sortir. Sans issue...
Et pourtant...certains franchissent la barrière, quittent tout pour un nouveau départ, en pleine conscience d'être vivants dans une nature qui ne va pas bien, d'un climat qui perd la boule et d'une économie folle qui vous fait acheter et manger des produits industriels chers, souvent nocifs, produits à des milliers de kilomètres. Oui, j'ai découvert un livre passionnant de Barbara Kingsolver " Un jardin dans les Appalaches" qui retrace l'expérience de l'auteur quittant l'Arizona pour vivre dans un endroit qui pourrait les nourrir, elle et sa famille. Elle devient "locavore" et ne consomme plus que les produits ayant poussés dans sa ferme des Appalaches ou des produits régionaux. Vaste programme me direz-vous, surtout aux Etats-Unis, où la "malbouffe" est dominante. Difficile de franchir le pas et pourtant, avec humour et non sans fierté, son livre nous relate une expérience qui aura bouleversé toute sa vie.
Si je vous recommande ce livre ce n'est pas pour que vous quittiez votre job et éleviez des moutons dans un coin perdu, non. Mais c'est un livre instructif, très amusant, avec même, des recettes de cuisine. Bien entendu, je me suis mise à rêver moi aussi de me lever au chant du coq pour biner le potager, ramasser des champignons et faire des conserves au lieu de passer deux heures en réunion fastidieuse au bureau. Alors si je ne peux me permettre un tel virage dans ma vie (et en ai-je réellement la volonté ? ) je suis plus attentive à mon petit jardin, je ne laisse plus les fruits mûrs pourrir au sol par envie de faire autre chose, je suis doublement vigilante quant à l'origine de ce que j'achète (tout en restant obligée de céder à ma fille pour les pâtes à tartiner bourrées d'huile de palme, gggrr ! ) .
" Nous sommes ce que nous mangeons" ! Wouah....ça fiche un coup ! Mais est-ce si faux ? Dans la panique alimentaire qui gagne les Etats-Unis, les classes les plus aisées, il est vrai,commencent à manger mieux, consommer local, planter des potagers même dans les jardins d'immeubles de New-York.
Manhattan, juillet 2018....c'est donc vrai ! salades et courges....
Nous pouvons aussi nous interroger sur ce que nous avalons. Des cerises en hiver qui proviennent de l'autre hémisphère, consommant kérosène à gogo et emballages plastiques surdimensionnés,sans parler de leur prix, est-ce raisonnable ? Si nous avons un minimum de conscience écologique quant à l'avenir de notre planète, nous devrions pouvoir nous en passer, d'autant que ces fruits et légumes extravagants hors saison, n'ont souvent aucune saveur. Patienter....rêver à la douce et croquante cerise que l'on voit rougir gentiment dans les vergers...ah quel plaisir ensuite! Barbara Kingsolver dit une phrase pleine de bon sens, à méditer et faire passer à nos jeunes : " Ce n'est pas l'argent qui donne sa valeur aux choses mais plutôt un doux équilibre entre le désir et l'attente". Est-ce un retour en arrière ou une sagesse à réapprendre ? Bien sûr, je ne suis pas prête à renoncer au café ou au chocolat même s'il leur faut voyager. Mais sortir de l'aliénation alimentaire ça me paraît jouable. Avoir à tout prix besoin d'une charlotte aux fraises à Noël, terminé !
Le côté positif pour nous français, nous qui passons notre vie à râler et nous plaindre, c'est que nous avons encore des valeurs perdues depuis longtemps outre-Atlantique. L'auteure réinstalle un mode de vie rythmé par les repas au sein de sa famille. "La cuisine dans notre culture est un art moribond". J'ai vraiment eu la frousse en lisant ça, mais elle sait de quoi elle parle et quand on voyage aux States, on ne peut que constater : pizzas surgelées, chips etc...dans les familles, on mange chacun dans son coin, quand on a faim et souvent n'importe quoi. Elle martèle que le "dîner est la pierre angulaire de la santé mentale d'une famille". Je suis bien d'accord avec elle; S'installer ensemble, partager un repas fait maison, papoter de sa journée, c'est la base de la vie familiale. Si on ne partage pas ce moment là, que partage-t-on encore ? Dévorer une pizza devant la télé ou dans sa chambre devant son ordi ....bon sang,je ne ne peux l'imaginer !
Bref...je pourrais vous parler de ce livre encore des heures. Mais non, j'ai des mirabelles à mettre en bocaux. Le jardin m'appelle, à ma modeste échelle je veux commencer à vivre différemment, faire des réserves pour l'hiver est une sagesse de fourmi alors que je pourrais faire la cigale et aller chanter (bon, je chante faux ! )
Si vous passez par là et que vous me suivez ,vous le savez aussi: "cuisiner est un acte citoyen" . C'est vrai et ça le deviendra sans doute de plus en plus...
Cependant, il n'est pas interdit de lire un bon bouquin !